Parcours sonores géolocalisés Listeners
Unendliche Studio a conçu trois parcours sonores pour découvrir la Ville de Marmande (Lot-et-Garonne) avec les oreilles : Sons naturels et concrets pour le site de la Filhole, fiction radiophonique poétique pour le centre historique, mémoire ouvrière et paysage sonore industriel pour la périphérie. Les créations sonores ont été réalisées par le compositeur Eddie Ladoire.
Ces parcours, commande de la Ville de Marmande, d’une durée d’une heure chacun ainsi réalisés sont des podcasts géolocalisés à écouter sur place, en balade, avec votre smartphone, en téléchargeant l’application Listeners conçue par Unendliche Studio. Les sons se déclenchent au gré de votre marche, ce qui vous permet de vous laisser immerger dans l’expérience sonore, d’oublier votre écran pour mieux regarder et garder les mains libres.
Marmande s’est construite au fil d’une histoire millénaire dont témoigne un patrimoine religieux et civil de grande qualité. Au départ petit village situé à Granon, la communauté se déplace vers l’actuelle terrasse du château pour se protéger des incursions barbares et des inondations. Vers le 11ème siècle, un château est construit pour protéger la navigation sur la Garonne. La nouvelle ville se voit octroyer une charte de coutumes et des privilèges en 1182, par Richard Cœur de Lion, alors duc d’Aquitaine et futur roi d’Angleterre. Durant les cinq siècles qui suivirent, Marmande fut au cœur des tourmentes de l’histoire. La croisade contre les Cathares, la guerre de Cent ans, la Peste et les Guerres de Religion frappèrent tour à tour durement la cité. Malgré ce passé tumultueux, la ville a conservé les vestiges d’une histoire quasi millénaire.
L’artiste Eddie Ladoire a créé une série d’images sonores du cœur historique de la ville, sorte de fiction radiophonique composée de textes originaux écrits par l’auteur Marina Bellefaye, de matières sonores enregistrées glanées sur différents lieux de vies et d’échanges. De la maison du Prince Noir qui abrite l’Office de Tourisme à la Tour de Charlemagne, en passant par l’église Notre Dame et sur les remparts au bord de la Garonne, l’œuvre propose une promenade décalée dans toute la ville, à la découverte des neuf fontaines, de la bien nommée rue « courte oreille », d’un petit théâtre de verdure ou encore du plafond peint remarquable de la chapelle Saint Benoît caché derrière la porte fermée. La fiction de cet audioguide particulier nous conduit sur les traces d’un cavalier fantôme inspiré par le poème de Baudelaire, «Une Gravure fantastique » :
"Ce spectre singulier n’a pour toute toilette,
Grotesquement campé sur son front de squelette,
Qu’un diadème affreux sentant le carnaval.
Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval,
Fantôme comme lui, rosse apocalyptique,
Qui bave des naseaux comme un épileptique.
Au travers de l’espace ils s’enfoncent tous deux,
Et foulent l’infini d’un sabot hasardeux.
Le cavalier promène un sabre qui flamboie
Sur les foules sans nom que sa monture broie,
Et parcours, comme un prince inspectant sa maison,
Le cimetière immense et froid, sans horizon,
Où gisent, aux lueurs d’un soleil blanc et terne,
Les peuples de l’histoire ancienne et moderne."
Ici, l’artiste Eddie Ladoire a créé une série d’images sonores, aux frontières de la musique concrète et de la musique électronique. Il révèle l’identité sonore de cet espace naturel et nous propose une expérience immersive et artistique en pleine nature.
Avec le déclin de la marine marchande, Marmande s’est peu à peu détournée de la Garonne. Entre la rivière du Trec et la Garonne, la plaine de La Filhole, un large terrain qui sépare la ville du bord de l’eau et classé zone inondable, était à l’abandon et inconstructible. Il y a quelques années, un programme de reconquête des berges a été lancé. La municipalité a choisi d’aménager La Filhole en un immense parc public de plus de cent hectares dans lequel on peut venir se promener, faire du jogging, du vélo, du skate, du football, ou partager un pique-nique… C’est au creux de ce bel écrin de nature qu’une jolie plage de sable est accessible l’été, au bord de la Garonne. Chaque mois de juin, le site accueille le Festival Garorock et ses plus de 200 000 spectateurs.
La Filhole est aussi un site relié à une histoire de la ville de Marmande moins connue, sans trace, celle de la tradition aéronautique. Le site a été le théâtre de grands meetings aériens dès les années 10 et jusque dans les années 50. Dans le parc, sur le chemin communal, on découvre une stèle inattendue, un hommage à Georges Sivel, un jeune aviateur marmandais méconnu mort le 5 octobre 1913. Georges Sivel se serait vraisemblablement écrasé suite à un problème technique de son appareil, un monoplan Bertin 50HP.
Marmande est aussi la ville natale du Général Brun, illustre figure marmandaise qui fut ministre de la Guerre quelques années à peine avant le premier conflit mondial et qui, à ce poste, développa l’aéronautique militaire. Aujourd’hui, de grandes entreprises de l’industrie aéronautique sont implantées à Marmande et participent au dynamisme économique de la ville. A la Filhole, on entend toujours des avions, ceux de l’aérodrome de Carpète, Marmande-Virazeil.
Les meubles de cuisine de l’usine Cesa, l’entrepôt de la Seita, la scierie Glacière et l’usine à Gaz près du Jardin des sources, les carrelages Wendel et les briques Marmoutin, l’usine Bordes du Boulevard Meyniel, en allant au magasin de cycles ou au garage Lestang, l’usine qui fabriquait des chaussures non loin des Galeries Lafayettes...
Eddie Ladoire a créé une fiction radiophonique composée de textes originaux écrits par l’auteure Sophie Poirier, de sons enregistrés dans ces friches industrielles, dans différents lieux de la ville, et de sons fabriqués pour évoquer ce XXème siècle. L’œuvre propose de se promener comme on feuillèterait un almanach d’autrefois, en suggérant les images des bâtiments disparus et des activités d’alors : déambuler dans les rayons des « magasins réunis », imaginer les ouvrières qui sortent de la « manu », le meeting aérien de 1912 comme un présage des futures entreprises de l’aéronautique … Et puis, malgré l’histoire tragique de deux guerres successives, le « confort moderne » qui arrive et s’installe partout…
La création du texte Au grand Bazar s’est faite avec l’aide du service des archives de Marmande, particulièrement auprès de Marie Bonneron et Nicole Perrier.
Sources bibliographiques :
Marmande, 1933, éditions Lacour.
Marmande à travers les siècles, réalisé par le service Patrimoine, musée municipal Albert Marzelles et Archives de Marmande, 2003.
Marmande à la fin de la belle époque, Jean Condou, éditions Lacour, 2003.
La naissance de l’aviation dans le Marmandais, Jean Condou, éditions Lacour.