Installation sonore et visuelle immersive
De cette collecte minutieuse de sons et par des montages étudiés, naissent mes travaux de composition ou d’installation et, notamment, la série intitulée « Intimité », de 1 à 10. A chaque fois, je dédie une « Intimité » à un lieu à l’architecture particulière, à un quartier, à une ville.
Ces installations faites de micro-fictions, de bribes d’intimités, de discussions, de sons du quotidien aptes à créer des images mentales, mêlent le temps figé par l’enregistrement et le temps présent de l’auditeur. La frontière entre le réel et l’imaginaire devient fragile. D’où proviennent les sons ? S’agit-il de sons diffusés ? De sons naturels ? Ces œuvres en écho se déploient comme une large partition sonore aux fragments multiples pour écrire un seul et même récit, celui des lieux traversés.
Ma pratique habituelle est nomade, je voyage. J’enregistre partout pour saisir les sons cachés sous les bruits ambiants, les variations infimes, les ondes mineures. Je rencontre aussi. Je capte les mouvements humains et les intimités en recueillant des paroles, confidences chuchotées, chants, cris. Je dois glaner des matériaux et sortir de mon atelier pour mieux y revenir.
Avec le confinement, bien sûr, je ne peux plus présenter mes travaux normalement mais, surtout, je ne peux plus développer ma pratique librement. Double peine. Pas de déplacement, pas de rencontres, le point mort a priori. Et une grande envie d’aller enregistrer les villes en partie désertées à laquelle je dois renoncer alors que l’occasion est inédite.
Confiné face au même paysage, je me découvre pourtant chanceux d’avoir une fenêtre avec vue, ouverte sur la nature. J’observe avec plus d’attention ce paysage familier qui se modifie parfois de manière très subtile au fil des heures. Et j’écoute. Au bout de quelques jours déjà, je perçois de nouveaux sons, des chants d’oiseaux jamais entendus, des insectes qui investissent sans crainte les espaces abandonnés par l’homme. Plus de voiture, moins de trains, moins de sons liés à l’activité viticole, quelques voix depuis les jardins alentours. J’avais déjà beaucoup enregistré cet environnement que je ne reconnais plus à l’oreille.
L’installation « Intimité zéro » est comme un acte de résistance poétique : travailler malgré tout, créer malgré tout et fixer pour après cette nature retrouvée, la préserver au-delà du confinement, faire en sorte que l’homme y reprenne sa place mais plus modestement, avec humilité. C’est possible, je le vois et l’entends tous les jours.
« Intimité zéro » est mon témoignage. L’installation est composée de trois tirages photographiques et d’une bande-son."
Eddie Ladoire